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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/394

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Et pourtant, combien il devait souffrir dans son amour-propre ! Juliette partie avec son ennemi mortel ! L’abandon de sa femme, n’était-ce pas le signe certain, l’affirmation publique de sa déchéance ? Elle quittait le vaincu pour aller vers le vainqueur. Le plus fort l’emportait.

La saison sportive commença. Anselme se mit tard à l’entraînement. Mais dès qu’il parut sur la piste, il retrouva ses succès de l’année précédente. On l’opposa successivement aux meilleurs sprinters d’Europe et d’Amérique ; il les battit tous. Il gagna le Grand Prix.

Seulement, il y avait une ombre à cette gloire : Laborde n’était pas là.

Il courait à l’étranger.

Chose bizarre, Laborde ne paraissait pas tenir les magnifiques promesses de ses débuts. Sa qualité ne s’affirmait point aussi nettement qu’on l’attendait. Il subit plusieurs défaites, à Berlin, à Milan, à Cologne.

Cependant il décrocha, à Copenhague, le Championnat du Monde, mais difficilement, et contre des adversaires de second plan.

— Patience, disait-on, c’est un garçon qui à besoin de se former… Vous le verrez dans son match avec Bardin.

Ce match, c’était le rêve de tout sportsman et de tout directeur de vélodrome.

Mais les deux intéressés ne semblaient guère disposés à le courir. L’un ne quitta point Paris, l’autre la province ou l’étranger, et les propositions les plus alléchantes ne purent les décider à se rencontrer.

Et l’hiver arriva, puis le printemps. Bardin s’entraîna, mais ne courut point. Quant à Laborde, il s’était installé à Bordeaux. Ses compatriotes disaient merveille de ses premiers tours de piste.

Et, fout à coup, une grande nouvelle : à la réunion de Pâques, match au Parc des Princes, entre Bardin et Laborde !

Ce match, nous l’avons tous en mémoire, et je n’en rappellerai pas les dé-