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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/400

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De retour à Saint-Jore, le lendemain, M. Lesuper reprit sa vie de travail. Mais il la reprit plein de cœur et de vaillance. Tout était changé. Désormais, c’était la sécurité, le bien-être, la foi dans l’avenir.

Tous les lundis, il lisait les journaux sportifs, et presque toujours il y trouvait la récit d’un nouvel exploit d’Antoine Lepreux. Et le mardi ou le mercredi, la moitié, les deux tiers du prix gagné s’en venaient à Saint-Jore.

Et vraiment aucun motif cupide ne se mêlait à son bonheur. M. Lesuper avait l’âme trop haute pour de si vilains calculs. S’il était heureux, c’est qu’au fond il aimait bien son fils, et qu’il se réjouissait d’avoir découvert en lui un bon et brave garçon, plein d’excellentes qualités, affectueux et loyal.

Souvent le jeune champion venait se reposer à Saint-Jore. M. Lesuper se promenait avec lui sous les ormes du mail. Un certain orgueil le redressait. Et il se disait :

« Tout de même, on peut ignorer le latin et le grec, on peut s’adonner au culte de la force brutale, courir, s’exhiber en public, et n’être point pour cela un mauvais garnement. La noblesse du cœur n’a rien à voir avec la profession que le destin vous impose… »

Maurice LEBLANC.