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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/418

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Scrupules enfantins, sensibilité ridicule, je le reconnais. Mais je suis ainsi fait. Les gâteaux me paraissent moins bons quand une figure pâle d’enfant, est collée à la vitrine de la pâtisserie où je les mange.

Aussi, étais-je tout disposé, le dimanche où Victor, l’aîné des Gréaume, en extase devant ma bicyclette, me demanda… Mais non, soyons franc, c’est moi qui la lui proposai, c’est moi qui lui dis :

— Vous savez, Victor, si cela vous plaisait de faire un petit tour ?

— Mais je ne sais pas monter.

— Bah ! il y en a pour dix minutes, L’important est de regarder devant soi, à vingt mètres en avant ; essayez donc.

Il essaya, tenu par moi. La leçon dura une partie de l’après-midi,

Elle recommença le dimanche suivant, avec l’autre frère, Georges.

Au bout de trois dimanches, ils savaient.

Et, un jour de semaine où j’étais un peu las, je dis à Victor :

— Demain, je ne me servirai pas de ma bicyclette, elle est à votre disposition.

Victor la prit donc pour aller à l’usine et s’en revenir.

Une autre fois ce fut le tour de Georges.

Et ils étaient si joyeux, ces jours-là, si gais et si allègres, quand ils rentraient le soir !

— D’autres ouvriers d’Ambrumesnil travaillaient à l’usine de Bruchy. Il y en avait un qui était jeune et de caractère audacieux. Il me pria tout nettement de lui prêter ma bicyclette. Je fus trop content d’accéder à son désir. Victor lui donna une leçon, et il vola de ses propres ailes.

Un autre fit comme lui, puis un autre, puis un autre. Ils furent bientôt six, autant qu’il y a de jours de travail dans la semaine.