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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/442

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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

CE BRAVE MONSIEUR MARTIN

Séparateur

Les cloches sonnèrent à toute volée. Sur la place de l’Église les hommes attendaient, par groupes, la sortie de la messe. Une automobile passa, à une allure modérée, puis une autre, plus rapide, qui provoqua des murmures d’indignation.

Le bourg de Brametot aligne ses maisons de chaque côté de la route nationale, et c’était chez les habitants une rage sans cesse renouvelée que de voir les automobiles filer comme des trains express à travers leur village. On aurait dit qu’elles leur passaient sur le corps.

Anselme Vêtu, le maire, avait eu beau multiplier les poteaux avertisseurs : « Automobiles, au petit pas », les automobiles refusaient de marcher au petit pas. Elles roulaient, elles glissaient, elles volaient, mais elles ne marchaient point.

Les portes de l’église s’ouvrirent. Des flots de gamins d’abord se précipitèrent, puis la foule s’écoula.

Elle dut se ranger aussitôt. Une automobile survenait, monstrueuse et terrifiante, dans un nuage de poussière.

Et soudain des cris d’épouvante : un gamin jouait sur la droite de la route, l’automobile l’a renversé. Quelques convulsions, et il ne bouge plus, mort.

Et l’automobile s’enfuit, au milieu de la stupeur. Elle atteint les dernières maisons, elle va disparaître… Des cris encore, mais des cris de joie et de vengeance… Elle s’est arrêtée, tout d’un coup. C’est la panne !