Aller au contenu

Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sur cette efficacité, je crois que tout le monde est d’accord et qu’il est inutile d’en discuter. Mais quels sont les moyens de réalisation dont nous disposons ? C’est à ce propos que je voudrais présenter quelques observations.

Tout d’abord écartons la bicyclette, et en général toute espèce de sport dont l’utilité est par trop directe et palpable pour qu’il soit besoin d’en prôner les mérites. La bicyclette se suffit à elle-même. Ce qu’elle a d’immédiatement, je dirais presque de grossièrement utilitaire, comme moyen de transport, comme supplément aux facultés motrices vraiment incomplètes de l’homme, la destine à un avenir que le présent peut à peine faire prévoir.

Mais comment propager des sports qui n’ont pour les recommander que leur seul agrément ? Comment imposer à l’ouvrier, au paysan, au petit bourgeois, le goût du football, de la course à pied, ou des haltères ?

N’hésitons pas à le dire nettement : tout ce que l’on tentera auprès de nos générations actuelles d’hommes faits, d’adultes, est d’avance et irrémédiablement condamné à échouer. L’artisan de notre époque, l’homme du peuple, ne jouera ni au football ni à la paume. Il est trop tard, ses habitudes sont prises. Vous ne le détournerez pas du cabaret et des sports de cabaret, jeux de cartes, de dés ou de dominos, jeux de billard ou de bouchon, tous les jeux enfin qui ont pour corollaires et pour stimulant le petit verre ou la chopine. Abruti de travail, brisé par une dépense musculaire trop grande et par des efforts fastidieux, monotones et sans diversité, il ne désire que se reposer et boire. Hélas ! qui lui en voudrait ?