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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/483

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« AU PAYS DE SYLVIE »

Par Marcel Boulenger


Marcel Boulenger est un classique du sport. On peut le rattacher à cette époque un peu mythologique où l’on aimait pour ainsi dire exclusivement le cheval et l’épée, sans savoir que c’était là du sport et sans même que le vocable sacré fût intronisé dans notre langue.

Bicyclette, automobile, tennis, golf, football, autant d’inventions modernes dont il n’a cure, si tant est qu’il ne les méprise point. Ses goûts d’artiste, d’érudit et de poète ne le disposent guère à ces manifestations inélégantes de la force et du mouvement. Chez lui, le besoin est impérieux de beauté simple, d’harmonie, de mesure, de pureté. N’est-ce pas mérites réservés au noble jeu de l’escrime, à la science auguste de l’équitation ?

Homme de cheval, homme d’épée… voilà des titres à notre sympathie. Il en est un dont il a droit d’être fier, parce que nul ne le porte plus dignement : Marcel Boulenger est avant tout un homme de lettres dans la meilleure acception du mot. Là encore s’affirme son tempérament de classique. Il a la religion du style, le souci obstiné de la perfection, la grâce, la légèreté, l’ironie, la sobriété des maîtres.

Et combien, d’autre part, la qualité de son esprit et de son imagination le rattache à ceux d’aujourd’hui et de demain ! Ouvrez son nouveau livre : Au Pays de Sylvie. Paysages classiques bien entendu, château et forêt de Chantilly, symétrie des grands jardins à la française, belle ordonnance des parterres et des allées, avec des balustres, des vases de fleurs et des statues… Mais quels drames essentiellement modernes se déroulent dans ces décors fastueux ! Je puis vous assurer qu’il n’est point de conte plus effroyablement pervers que le Plus beau Volcelest du Monde, pas d’histoires qui n’aient plus de relief et de saveur que Une Rancune, plus de puissance tragique que Dans les Airs, plus de mordant et de séduction que Ce fameux Prince Nani…

Malgré moi, j’évoque, en le lisant ou en songeant à lui, ces parfaits écrivains d’autrefois qui illustraient notre littérature parmi les tribulations des voyages et vivaient de la double vie des bibliothèques et des camps, le noble Vauvenargues, le merveilleux Stendhal, Alfred de Vigny, Paul-Louis Courrier — écrivains de race et de haut style, hommes d’épée et de cheval comme Marcel Boulenger, gentilhommes de lettres comme lui.

Maurice LEBLANC.