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Page:Leblanc - Arsène Lupin, nouvelles aventures d'après les romans, 1909.djvu/30

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L’ILLUSTRATION THÉÂTRALE

si désemparée… Et cette pauvre cachette qu’elle a trouvée… Ce mouchoir roulé, jeté dans la petite pièce de l’immeuble voisin, quelle absurdité !

Guerchard, stupéfait. — Vous dites ?… Un mouchoir…

Le Duc. — La maladresse de cette petite est désarmante.

Guerchard. — Un mouchoir contenant les perles du pendentif ?

Le Duc. — Oui. Vous avez vu, n’est-ce pas, au troisième étage, c’est fou.

Guerchard. — Mais non, je n’ai pas vu.

Le Duc. — Comment non ?… Ah ! c’est vrai… C’est le juge d’instruction qui a vu.

Guerchard. — Il a vu un mouchoir appartenant à Mlle Kritchnoff… Où est-il, ce mouchoir ?

Le Duc. — Le juge d’instruction a pris les perles mais le mouchoir doit être resté là-haut.

Guerchard. — Comment ! Et il ne l’a pas pris ! Non, mais quel… ! Enfin…

Il enlève son paletot, va vers la cheminée et allume la lanterne.

Le Duc. — Oh ! d’ailleurs, maintenant que vous arrêtez Mlle Kritchnoff, ce détail n’a plus d’importance.

Guerchard. — Mais si, je vous demande pardon…

Le Duc. — Comment ?

Guerchard. — Nous arrêtons Mlle Kritchnoff ; nous avons des présomptions, mais aucune preuve.

Le Duc, semblant bouleversé. — Hein ?

Guerchard. — La preuve, vous venez de nous la fournir et puisqu’elle a pu cacher les perles dans l’immeuble voisin c’est qu’elle connaissait le chemin qui y mène. Donc elle est complice.

Le Duc. — Comment, vous croyez ? Ah ! mon Dieu !… Et c’est moi… j’aurais eu l’imprudence… C’est par ma faute que vous découvrez… ?

Guerchard. — Cette lanterne… Voulez-vous m’éclairer, monsieur le duc ?

Le Duc, vivement. — Mais vous ne voulez pas que j’y aille ? Je sais où est le mouchoir.

Guerchard, vivement. — Non, non, je préfère y aller moi-même.

Le Duc, vivement. — C’est que si vous aviez voulu…

Guerchard, même jeu. — Non… non…

Le Duc. — Permettez-moi d’insister…

Guerchard. — Inutile !… À bout de bras, n’est ce pas ?

Le Duc. — Oui.

Guerchard. — Cinq minutes seulement… Ça ne vous fatiguera pas ?

Le Duc. — Non, non. (Guerchard disparait sous la cheminée. Le duc, au bout d’un instant, accroche la lanterne dans l’intérieur de la cheminée.) Ça va comme ça…

Voix de Guerchard. — Oui, c’est ça, c’est très bien.

Le duc se précipite vers la porte de droite et l’ouvre. Parait Sonia, habillée pour sortir.

Le Duc, retournant prendre la lanterne. — Vite !

Sonia. — Mon Dieu !

Le Duc. — Il y a un mandat d’arrêt contre vous.

Sonia, affolée. — Je suis perdue !

Le Duc. — Non. Vous allez partir.

Sonia. — Partir !… Mais comment ?… Guerchard ?

Le Duc. — Écoutez. Je vous téléphonerai demain matin à…

Voix de Guerchard. — Monsieur le duc !

Sonia. — Mon Dieu !

Le Duc. — Chut !

Voix de Guerchard. — Vous ne pourriez pas lever la lanterne un peu plus haut ?

Le Duc, dans la cheminée. — Attendez, je vais essayer… Ah ! non, je ne peux pas.

Voix de Guerchard. — Alors, un peu plus à droite.

Le duc, d’un geste impérieux, fait signe à Sonia de venir prendre la lanterne. Tandis qu’elle la tient, il prend vivement le portefeuille de Guerchard dans le paletot, en tire une carte, écrit quelques mots et retourne à la cheminée. Sonia suit ses mouvements avec une stupeur craintive.

Le Duc, parlant dans la cheminée. — Ça va comme ça ?

Voix de Guerchard. — Oui, très bien.

Le Duc, à Sonia. — Vous remettrez cette carte au planton de garde.

Sonia, regardant la carte. — Comment ! Mais… c’est…

Le Duc. — Partez…

Sonia. — Mon Dieu ! mais c’est fou !… Quand Guerchard découvrira…

Le Duc. — Ne vous inquiétez pas de ça… Ah ! dans le cas où il arriverait quelque chose… à huit heures et demie, demain matin, oui, c’est ça. Attendez… (Il court vers la cheminée et appelle.) Vous voyez assez clair ? (Pas de réponse.) Il est dans l’hôtel à côté. À huit heures et demie, puis-je vous téléphoner ?

Sonia. — Oui. C’est un petit hôtel près de l’Etoile… Mais, cette carte, je ne peux pas… pour vous-même…

Le Duc. — L’hôtel a le téléphone ?

Sonia. — Oui. 555-14.

Le Duc, inscrivant le numéro sur sa manchette. — Si je ne vous avais pas téléphoné à huit heures et demie, venez directement chez moi.

Sonia. — Bien. Mais quand Guerchard saura… Si jamais Guerchard découvre…

Le Duc. — Partez, Sonia. Partez, partez !…

Sonia, revenant au duc. — Ah ! comme vous êtes bon !

Il la pousse vers la porte et, sur le seuil de la porte, ils se regardent, hésitent… Il l’attire dans ses bras, elle s’y laisse tomber ; ils s’embrassent. On entend la voix de Guerchard, le duc se dégage.

Le Duc. — Pars maintenant. Je t’adore. Pars, pars !

Elle sort.


Scène IV

GUERCHARD, LE DUC, BOURSIN, GERMAINE, GOURNAY-MARTIN

Resté seul, le duc retourne en courant vers la cheminée et saisit la lanterne. À ce moment, on entend le bruit sourd d’une porte qui se ferme. Il s’appuie, avec émotion, contre le manteau de la cheminée.

Guerchard, tout en regardant le duc d’un air goguenard et avec un étonnement soupçonneux. — Rien !… Eh bien, je n’y comprends rien… Je n’ai rien trouvé !

Le Duc. — Vous n’avez rien trouvé ?

Guerchard. — Non. Vous êtes sûr d’avoir vu le mouchoir dans la petite pièce du troisième étage ?

Le Duc. — Certain… Vous n’avez pas vu de mouchoir ?

Guerchard. — Non.