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Page:Leblanc - Des couples, 1890.djvu/237

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un amour

Une immense pitié amollissait Marthe. Elle sentait la misère de cet homme qu’elle aimait avant tout, et elle eut envie de lui ouvrir ses bras. Elle résista cependant, car il semblait la menacer d’une seconde rupture, et elle répondit un peu durement :

— Donc, vous partez ?

Il la contempla, vaincu soudain, et murmura :

— Non, je ne pourrais pas.

Alors elle lui saisit la tête, colla sa bouche à la sienne, et s’offrit à lui.

Cela dura des années, des années d’une vie paisible et compliquée. Un couple à trois se forma, et les rapports réciproques de ses trois membres fonctionnèrent régulièrement, de même que les différentes roues d’une machine s’engrènent, se commandent, aident les unes aux autres sans jamais se contrarier.

M. Terrisse, insouciant et peu soupçonneux, se plaisait, aux rares heures de liberté que lui laissaient ses affaires, à s’étaler dans le fauteuil qui lui était spécialement attribué. Puis la surveillance de domaines importants, qu’il faisait valoir, l’obligeait à de fréquents voyages en Normandie.