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Page:Leblanc - Des couples, 1890.djvu/245

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un amour

d’envisager froidement sa situation. Ses réflexions furent de courte durée. Elle ne pesa pas ses deux amours, car elle les savait tous deux égaux et infinis. Une seule idée la domina : pouvait-elle abandonner Jacques ? Déjà séparé de son fils, que deviendrait-il, séparé d’elle aussi ? Et soudain son devoir se dessina, clair, lumineux, inéluctable. Elle ne le discuta pas, n’hésita pas, et prononça d’une voix ferme :

— Je reste.

— Soit, fit-il, je m’y attendais. Dites adieu à Georges.

Il appela la bonne. Le petit dormait. Marthe l’effleura de ses lèvres, à peine, sans effusion, de crainte de défaillir. Mais ses yeux ne le quittèrent plus, s’ouvrirent sur lui démesurément, comme si elle eût voulu s’emplir, s’abreuver, se griser de cette vision dernière. Et tant que M. Terrisse continua ses préparatifs, elle regarda son fils de ce regard de folle, dont aucun battement de paupière n’interrompait la fixité.

Au moment du départ, elle refusa de l’embrasser une seconde fois ; seulement elle lui frappa le front pour l’éveiller et conserver en elle sa réelle et vivante image. Mais l’enfant eut peur