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Page:Leblanc - Des couples, 1890.djvu/251

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un amour

des deux et trois semaines, chasser de droite et de gauche, ou secouer à Paris sa torpeur. Mais il revenait tout à coup, invinciblement ramené par l’instinct soupçonneux qu’avait déposé en lui sa première déception.

Et des rages de tendresse le prenaient, suivies de mouvements de colère tellement violents qu’un jour, après l’étreinte, la voyant encore tout étourdie de volupté, les lèvres entrouvertes, les dents humides, il s’écria :

— Va-t’en, je te hais, je te méprise.

Ces crises abattaient Marthe. Elle les redoutait peut-être plus, avec leur accompagnement de caresses nerveuses et leurs démonstrations bruyantes, que l’indifférence dont elle constatait en Jacques les progrès quotidiens.

Sa santé déclina rapidement. Toute sensation un peu vive, un bruit inattendu, une clarté soudaine, un mot prononcé trop haut, retentissaient douloureusement au plus profond de son être. De même, quand un fait insignifiant lui dévoilait en partie l’état d’âme de Civialle (et en femme qui aime, elle notait le moindre de ces faits avec une subtilité rare) elle tressaillait, atteinte d’une véritable souffrance physique.