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Page:Leblanc - Des couples, 1890.djvu/77

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la fortune de m. fouque

montrer à ses hôtes, pour raconter sa vie, grotesque ou tragique. On se retournait dans la rue quand il passait, et aux questions des étrangers on répondait :

— Mais c’est Fouque, l’entrepreneur.

— Qui ça, Fouque ?

— Vous savez bien, Fouque le cocu.

Et l’on disait cela sans méchanceté, avec le sourire obligatoire qu’entraîne le mot cocu.

On lui était reconnaissant de l’aliment qu’il fournissait aux conversations et de la distraction qu’il apportait à la monotonie des longues soirées provinciales. On s’entretenait de lui, on approuvait ou on blâmait sa conduite, on recherchait ses origines, son état de fortune. L’enquête que chacun fit sur son passé révéla une existence pure et honorable.

— Cocu, s’écria en plein café le quincaillier Hurel, cocu ? Assurément, mais intègre. Et mieux vaut comme représentant un cocu intègre qu’un malhonnête homme non trompé.

Le succès dépassa les prévisions de l’entrepreneur lui-même. Enthousiasmé, il rêva la mairie. L’Éclaireur Cauchois, toujours par la plume de F., soutint sa candidature. Il fut élu.