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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/205

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L’ENTHOUSIASME

— Reste, mère, lui dis-je gravement, il vaut mieux que tu restes. Ne fais pas d’affront à Geneviève, ce serait la pire maladresse.

— En restant, j’ai l’air de vous approuver. Et puis, tiens, voilà ta sœur, je ne veux pas qu’elle vienne ici, tu entends ? empêche-la de venir.

J’hésitais. Alors elle nous tourna le dos, prit sa fille par la main, et s’éloigna.

Cela eut lieu devant toutes les dames de Saint-Jore. Geneviève gémit :

— Donne-moi une chaise, vite, Pascal !

Elle s’assit. Je posai des fleurs sur ses genoux, pour qu’elle fit semblant de les disposer en bouquets. Des groupes s’étaient formés à quelque distance de nous, et l’on chuchotait.

— Oh ! Pascal, comme on nous regarde ! que va-t-on dire ? Et c’est Mme Devrieux…

— Ne lui en veux pas, elle a perdu la tête, je suis sûr qu’elle est la première à regretter…

Un peu calmée, elle se dirigea vers le comptoir de sa sœur. Sur son passage, deux vieilles demoiselles s’écartèrent ostensiblement.

Gonflé de rancune, je courus à la maison. Mère aussi, je n’en doute pas, avait hâte de s’expliquer. L’un et l’autre nous attendîmes, frémissants et hostiles. Mais je ne lui dis rien et elle ne me dit rien non plus. À quoi bon des mots ? Si je m’avouais impuissant à maitriser mon amour, ne devais-je pas comprendre qu’elle le fût à réprimer les éclats de son indignation ?