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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/211

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L’ENTHOUSIASME

cher, soi-disant de la part de Berthe. Tant pis si ta sœur ou ton mari découvrent quelque chose…

Elle revint, plus tranquille, et d’autres rencontres analogues, marquées du même succès, la rendirent si courageuse qu’elle m’avertissait elle-même de la date des séances.

— Allons là-bas, suppliais-je, tu oses bien, ici…

Elle frissonnait, et toujours la même réponse :

— Oh ! là-bas, j’ai peur, on me suit… rien que l’idée me glace.

Pourtant, à deux reprises, elle céda. Et elle me remerciait :

— Comme je suis contente que tu m’obliges, Pascal ! il faut me forcer, vois-tu, me trainer par les cheveux comme une esclave. Moi, je n’existe plus, je suis lâche, tes imprudences m’effrayent, et je ne compte que sur ta folie et sur ta brutalité. Quand je me cache au fond de ma chambre pendant des semaines, j’ai l’espoir que tu vas apparaître et m’emporter.

Cela dura un mois, sans alarmes ni contretemps. Les heures de réunion furent avancées, mais ce changement ne nous gênait point, le couloir demeurant obscur en plein jour. Ainsi il y eut sous la cage d’un escalier, à Saint-Jore, chez la sœur de ma maitresse, un petit coin sombre, embarrassé d’arbustes, de chaises en bambou et de pots de fleurs, où notre amour se terra comme une bête aux abois. C’est l’humble refuge auquel le condamnait la persécution. Tantôt une bouche de calori-