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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/283

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L’ENTHOUSIASME

pourquoi ne pas les admettre en vous, alors que je les admets en Geneviève au point de leur immoler mon plus cher désir ?

Je fis des pèlerinages aux lieux de mes misères comme à ceux de mes félicités, et les uns ne me rappelaient pas des souvenirs moins adorables que les autres. Voici le Clos-Guillaume, voici la maison de Berthe, voici le porche où je me suis blotti durant des jours dans l’attente de Geneviève, voici l’église devant laquelle j’ai mis la main sur son épaule, en maître, le trajet que nous avons suivi, la rue des Arbustes, et voici la chambre où je l’ai possédée… Oh ! cette chambre… ce lit !… c’est là, entre ces murs… la même lampe est sur la cheminée, la glace reflète les mêmes objets, le même fauteuil, les mêmes rideaux… Je me suis agenouillé, et j’ai prié Geneviève.

Mère me dit au retour :

— Comme tu es pâle, Pascal, tu n’es pas souffrant ?

— Non, mais nous aurions dû partir aujourd’hui… quatre jours, c’est trop long.

Je restai le soir avec Claire. La première étape de notre jeunesse s’achevait dans l’amertume et dans le deuil. J’étais malheureux, elle prévoyait qu’elle ne serait point heureuse, et nous ne pouvions ni nous consoler ni nous épargner le moindre mal. Cependant la vie nous avait unis, et cela nous parut bon.

Je regardais à travers les vitres. La place com-