Aller au contenu

Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
L’ENTHOUSIASME

si de grands dangers s’éloignaient de moi. A-t-elle assez Confiance, pensais-je, prêt à la remercier de sa gentillesse et de son abandon. Elle marmotta :

— Tu devrais t’en aller, mon petit.

Et je m’en allai.

Cette épreuve m’assombrit, et plus encore la certitude que je n’aurais jamais la hardiesse d’en affronter une autre. En quoi donc différais-je de ceux de mes camarades qui sortaient de chez Léontine, au comble du ravissement ? J’aurais tant voulu savoir, moi aussi !

Découragé je m’en tins à mes songes. Des créatures radieuses et complaisantes peuplèrent la solitude de ma chambre. Je ne me lassais pas de les dévêtir. Pourtant ces évocations voluptueuses se compliquaient d’aspirations qui révélaient peu à peu ma véritable nature d’adolescent, besoins d’amour héroïque, projets romanesques, toute une sentimentalité frémissante qu’exaspéra mon premier échec et qu’entretint la lecture de certains romanciers, de George Sand surtout, et, en partie, de Balzac. Autant que des caresses, je souhaitais de sublimes immolations. La poésie m’enthousiasma, À Bellefeuille, où nous passions tous les jours de vacance, je marchais en récitant des vers à ma jeune sœur qui en pâlissait d’admiration. J’explorais les vieux Châteaux. Je cherchais Mme de Mortsauf au creux des vallées avoisinantes, et je ne doutais point que Valentine m’apparût en quelque bal champêtre.

Qu’eussé-je fait au cas d’une rencontre ? Trois