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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/50

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L’ENTHOUSIASME

de l’avenir, et le même élan irréfléchi nous jeta aux bras l’un de l’autre.

Si la conduite du destin à mon égard me semble plus douce peut-être qu’elle ne l’est en réalité, je le dois à cette minute où mes pleurs trempaient le corsage de Geneviève et où ma bouche en baisait avidement l’étoffe. Il n’y a rien qui soit plus long à s’éveiller que la faculté d’être heureux. On dirait un secret compliqué dont la clef se cache derrière nos instincts et nos passions, sous un amoncellement de voiles qu’il faut que le hasard soulève un à un. D’un coup, au seuil de ma jeunesse, la porte s’ouvrit, et elle s’ouvrit sur de l’amour.

Elle essuya mes larmes et je lui demandai si elle n’avait pas envie de pleurer.

— Non, répondit-elle, je vous aime trop.

— Est-ce possible, Geneviève, vous m’aimez, vous !

Elle me guida par les sentiers du bois, vers le pont qui franchit la rivière à sa sortie du parc.

— Nous sommes venus ici aux vacances de Pâques, tous deux, et vous avez enjambé la balustrade pour cueillir des herbes qui me plaisaient, là, à cet endroit, et j’ai eu si peur que j’ai bien vu que je vous aimais.

— Vous m’aimiez déjà, est-ce possible ! Alors vous l’avez su ici ?

— Oui, ici, au mois d’avril.

— À mon retour de Bretagne, le soir, dans le salon, vous le saviez ? Tout cet été quand nous