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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/63

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L’ENTHOUSIASME

À la fin je bégayai :

— Moi, partir ! pour un an ! demain soir !

— Oui, pourquoi pas… qui t’empêche ?

— C’est impossible, mère !

On annonça le dîner, elle se leva. Mon chagrin visiblement la déchirait, et je devinai sa pitié. Mais elle dit à haute voix :

— Non, non, il le faut.

Je refusai de la suivre et restai seul, accoudé contre une table, les poings collés aux tempes. Je ne bougeais pas, je ne pensais pas. Le coup m’avait brisé. Plusieurs fois je me répétai : « C’est impossible… je ne partirai pas ». Cette affirmation ne suffisait point à me calmer. J’avais peur. Les vieux instincts de soumission, les vieilles habitudes de passivité, accomplissaient leur œuvre sournoise.

— Tu as de la peine, mon pauvre Pascal, me dit ma mère.

Elle venait de rentrer et me pressait contre elle. Mes nerfs se détendirent.

— Oh ! oui, je souffre.

Elle invoqua la raison : ne me rendais-je pas compte de la nécessité de ce voyage ? Que ferais-je à Saint-Jore, pendant toute une année ?

Mais je l’interrompis.

— Mère, ne me fais pas partir, je t’en prie… c’est au-dessus de mes forces… me vois-tu là-bas, tout seul, des mois et des mois, sans personne de vous ? Oh ! je t’en prie, j’apprendrai l’anglais…