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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/87

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L’ENTHOUSIASME

l’affermissaient, peut-être davantage encore ceux qui le combattaient. Mes premiers pas vers ces idées, en Angleterre, mon empressement à les accueillir, et mon contentement à les savoir justes, témoignaient, en dehors de tout débat sur leur mérite, de leur étroite parenté avec les tendances de mon esprit, Je ne doutai plus.

Le printemps nous divertit quelque peu, Armande et moi, de ces réunions studieuses. Incapables de résister à l’attrait du soleil, par les rives de l’Orne nous nous avancions dans la campagne. J’y débordais d’amour. Le petit sourire ironique d’Armande ne me rebutait point. Rien ne m’eût empêché de bénir ma maîtresse, de m’attendrir, de chanter, d’implorer le don d’une fleur, de faire mille folies. Qu’elle partageât ou non mon ivresse, que m’importait pourvu que l’effervescence de ma vie éclatât en phrases, en gestes et en silences frénétiques !

J’avais l’air d’un petit garçon qui joue sous la surveillance de sa mère, et comme une mère, elle tâchait de me calmer et de m’induire en conversations sérieuses. Elle me questionnait beaucoup, moins par curiosité que par un besoin constant de porter la lumière dans ces coins de notre âme où, pour des motifs confus, nous maintenons l’obscurité. Elle a découvert en moi des choses que je n’ai point pris la peine de regarder, et que j’ai mis ensuite bien des années à découvrir moi-même.

— Fais attention, Pascal, tu es trop facilement heureux. C’est une grande force au début, car on