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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/9

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L’ENTHOUSIASME

I

Avant tout j’ai voulu revoir la ville de province où s’est écoulée la partie de ma jeunesse dont j’entreprends le récit en ces pages loyales. Pour la première fois depuis des années, j’ai fait ce pèlerinage douloureux et charmant, et les gens de Saint-Jore-en-Houlme ont pu reconnaître, dans l’homme que je suis, l’enfant qu’ils ont banni jadis comme un réprouvé. Nul doute que mon audace ne les ait remplis d’indignation. Moi, je n’ai même point tressailli de cette ivresse orgueilleuse que me causait l’hostilité des regards. L’émotion refoule les instincts vulgaires, et celle qui jaillit à l’évocation de notre passé dans les âmes sensibles est pure entre les plus pures.

Ainsi donc je les ai suivies de nouveau ces rues où chaque pas me rappelle un instant d’angoisse ou de félicité. J’ai longé cette avenue où me jetait soudain l’espoir d’une rencontre fortuite. Je me suis arrêté devant ces vitrines où j’attendais impatiemment que ma bien-aimée apparût à quel-