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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/99

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L’ENTHOUSIASME

Ce que je devais à ma jeunesse, à ma foi, à une grande fraicheur de sentiments et, en partie, au hasard, je l’attribuai naïvement à un pouvoir spécial de séduction et à des qualités toutes personnelles. Généralisant mon expérience des femmes, je les jugeai de vertu fort médiocre et prêtes à se jeter dans les bras de quiconque sait en user à leur égard. Je me crus un conquérant et un roué, alors que je ne valais que par mon extrême candeur.

Cette crise de vanité puérile, sans conséquence si elle eût suivi son cours dans les replis de mon âme, devenait dangereuse pour peu qu’il en parût quelque signe extérieur. Je n’évitai point ce danger. Au Cercle, où, chaque soir, se réunissaient mes anciens compagnons de fête ainsi que beaucoup de ces messieurs, négociants et industriels, dont la plupart me tutoyaient, m’ayant vu naître et grandir, je commis la sottise de parler.

Certes je ne me vantai d’aucun succès, mais de quel air mystérieux je répondais aux demandes que l’on m’adressait sur ma disparition et sur mon genre de vie ! Que de réticences et de sourires ! Et, surtout, comme je me compromis par mon scepticisme moqueur à propos des femmes mariées, par mes tirades contre leur honnêteté, par les hochements de tête de quelqu’un qui aurait beaucoup à dire là-dessus si la discrétion professionnelle ne l’obligeait à se taire !

Mon éducation m’avait donné une conscience