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Page:Leblanc - La Pitié, 1912.djvu/31

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LA PITIÉ

passé, contre celles de mes maîtresses dont elle a pu savoir les noms. Elle ne se gênera nullement pour s’écrier dans un salon : « Ah ! oui, Madame X…, l’ancienne maîtresse de mon mari… »

Robert.

C’est plutôt drôle… Mais à moi, de quoi diable peut-elle m’en vouloir ?

Jacques.

D’avoir été mêlé à ma vie, cela suffit. Qu’un élan de sympathie me rapproche de quelqu’un, qu’au théâtre je loue la beauté d’une artiste, ou le jeu d’un acteur, que, dans la rue, je suive un instant de trop une silhouette qui me plaît, voilà pour Germaine autant d’ennemis nouveaux. Je ne dois rien admirer, rien aimer… pas même une bête. J’avais recueilli un petit chien qui m’avait voué une affection touchante, et que je chérissais pour sa laideur comique. Tu ne t’imagines pas à quel point elle était jalouse et les scènes que j’ai dû subir. Mais les choses elles-mêmes, Robert, elle en prend ombrage, ; comme de personnes vivantes ! Ces livres, ces papiers, tout cela l’exaspère, parce que cela représente mes idées à moi, mon enthousiasme, mes efforts, mon ambition, enfin toute la vie secrète d’où elle est exclue.

Robert.

Bien entendu, pas d’amis ?