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Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/108

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Même juste, que vaut leur thèse, si l’on prouve que nous avons été attirés dans un guet-apens par Weisslicht, et que la désertion de Baufeld a été combinée par des agents subalternes ? Or, cette preuve, c’est Dourlowski.

La disparition du colporteur l’indignait. Mais il ajouta :

— Heureusement, nous avons le témoignage de maître Saboureux.

— Nous l’avions hier, dit le juge d’instruction, nous ne l’avons plus.

— Comment cela ?

— Hier, mercredi, interrogé par moi, maître Saboureux affirmait la rencontre de Weisslicht et de Dourlowski. Certaines de ses paroles me firent même soupçonner qu’il avait surpris les préparatifs de l’agression et qu’il en avait été le témoin invisible… et précieux, n’est-il pas vrai ? Ce matin, jeudi, il se rétracte, il n’est pas sûr d’avoir reconnu Weisslicht, et, la nuit, il dormait… il n’a rien entendu… pas même les coups de fusil… Or, il habite à cinq cents mètres !

— C’est inouï ! Pourquoi cette reculade ?

— Je ne saurais dire, prononça le juge… Cependant, j’ai vu dans sa poche un numéro de la Gazette de Bœrsweilen… Les choses ont changé depuis hier… et Saboureux a réfléchi…

— Vous croyez ? La peur de la guerre ?

— Oui, la peur des représailles. Il m’a raconté une vieille histoire de uhlans, de ferme brûlée. Enfin, quoi ! il a peur…

La journée commençait mal. On s’en alla silencieusement par l’ancienne route jusqu’à la frontière où l’enquête fut reprise en détail. Mais, au rond-point de la Butte, on aperçut trois hommes à casquette galonnée qui fumaient leur pipe auprès du poteau allemand.

Et plus loin, au bas de la descente, dans une sorte de clairière située sur la gauche, on en vit deux autres étendus à plat ventre et qui fumaient aussi.

Et, autour de ces deux-là, il y avait, plantés en terre et dessinant un cercle, des