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Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/100

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mant rayon une fois rabattue. Il découvrit ainsi un petit placard, où il prit un appareil téléphonique.

Il décrocha le récepteur.

— Le numéro 1726 J, demanda-t-il.

Et, quand il l’eut obtenu :

— Mademoiselle Clara Skimer ? Ah ! c’est toi, Clara ? Tu es seule ? Qu’est-ce que tu fais ? Tu te reposes en fumant des cigarettes ? Parfait… Eh bien, ma fille, tu vas venir immédiatement. Il faut que je te voie avant une heure d’ici. Il y a un train à prendre. J’ai une affaire à te confier. Quelque chose d’important… Tu seras là dans trois quarts d’heure ? Parfait…

Sam Smiling raccrocha le récepteur, replaça le téléphone dans le placard et le calendrier sur l’ouverture. Puis, accrochant à un clou son tablier de cuir, il endossa un veston usé et se coiffa d’un vieux chapeau mou.

Au fond du réduit, il se pencha vers le bas de la muraille et remua un clou fiché dans le mur. Une petite porte basse s’ouvrit. Par cette issue, qui avait déjà servi à la fuite de Tom et de Jones, Sam gagna une étroite allée couverte, qui donnait, d’un côté, dans une immense cour communiquant avec de vastes terrains vagues, et de l’autre côté dans une boutique vide, que le cordonnier avait louée en sous-main, afin d’être assuré de pouvoir toujours s’en servir.

Il passa par cette boutique pour parvenir à la rue, releva de sa faction le vigilant Tom Dunn et s’éloigna.

Après quelques minutes de marche, il s’engagea dans une rue où se trouvait une louche petite herboristerie, poussiéreuse et obscure. Sur la porte se tenait une vieille sorcière au visage de hibou. Elle accueillit avec faveur Sam qui, en sa compagnie, entra dans la boutique. Au bout de cinq minutes, il ressortit portant un petit paquet ficelé. Il regagna la cour populeuse, l’allée et son réduit où, dans le placard, sous le calendrier, il déposa le contenu de son paquet : une boîte, une fiole et une éponge.

Ensuite, Sam Smiling, reprenant son tablier, rentra dans sa boutique et redevint un paisible savetier, s’évertuant à obstruer les fentes d’un soulier qui agonise.

Vingt minutes plus tard, une jeune femme, qui marchait d’un pas décidé et rapide, traversa l’avenue et se dirigea vers la cour voisine de la petite cordonnerie.

Cette jeune femme, correctement vêtue d’un costume tailleur à carreaux et coiffée d’une toque noire, semblait avoir vingt-sept ou vingt-huit ans. Elle était de taille moyenne, svelte et bien faite. Avec ses traits réguliers, son teint brun et ses cheveux d’un noir de jais, elle eût pu paraître jolie, sans l’étrange et presque repoussante expression d’audace qui se lisait dans ses yeux perçants et froids, et sans la dureté impitoyable inscrite dans les lignes de son menton carré et de sa bouche mince, aux lèvres serrées.

Elle s’engagea dans la cour et dans l’allée étroite. Une minute après, elle entrait dans le réduit au téléphone et, collant son oreille à la porte qui la séparait de la boutique du cordonnier, écouta. Sûre que Sam était seul, elle frappa trois coups espacés. À l’instant même, Smiling, qui attendait son signal, la rejoignit.