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Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/111

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bordant la mer, et, cette fois, ce fut Chertek qui tomba en arrêt.

— Monsieur Ted Drew, voyez… au coin de la rue, là-bas, ce costume marin. Ne serait-ce pas ?… Non, non, arrêtez-vous ! de l’adresse, cette fois-ci ! pas de violence, que diable ! Vous allez…

Ces objurgations arrivaient trop tard. Ted Drew était parti comme un forcené dans la direction de deux femmes qui étaient arrêtées à peu de distance. L’une d’elles, une jeune fille blonde, était en bleu marine, l’autre, plus âgée, brune et sèche, vêtue sévèrement, semblait son institutrice.

La jeune fille, comme celle de la plage, fit un bond de surprise et de terreur et poussa un cri perçant quand Ted Drew, survenant comme un bolide, lui empoigna violemment la main droite.

— Quelle brute ! il recommence !… murmura Chertek qui accourait pour intervenir.

Mais déjà la jeune fille, pâle et tremblante de la frayeur qu’elle avait eue, s’était dégagée, et son institutrice, repoussant l’agresseur, brandissait son parapluie d’un bras vigoureux et tombait sur Ted Drew à coups redoublés dont Chertek, en se jetant entre eux, reçut sa part.

— Voyou !… Vous êtes un voyou ! criait l’institutrice tout en maniant son arme improvisée avec dextérité.

— Cessez, je vous en prie ! Il y a méprise. Mon ami regrette bien… disait Chertek en essayant d’éviter les coups et en contenant les efforts de Ted Drew, qui voulait se défendre.

Soudain, chacun des deux hommes se sentit saisir solidement par le bras.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? En voilà des manières ! Qu’est-ce qui vous prend d’attaquer les demoiselles sur la voie publique ? dit une voix rude.

C’était un agent de police qui avait, de loin, assisté à la scène et qui était accouru.

— Voulez-vous me lâcher ? De quoi vous mêlez-vous ? protesta Ted Drew en essayant, mais en vain, de se dégager de la poigne solide qui le maintenait.

— Non, je ne vous lâcherai pas ! répondit l’agent en le serrant plus fort. Et vous allez venir vous expliquer à la Station de police !

— Mais c’est une méprise, regrettable sans doute, mais excusable, commença Chertek, très ennuyé du tour que prenait l’aventure. Mon ami a été volé…

— Je suis Ted Drew, le fils du grand inventeur !… Lâchez-moi ou je vous ferai révoquer !… criait l’autre.

— Ah ! c’est comme ça ? Des menaces ? Eh bien ! nous allons voir ce que mon chef en dira. Moi, je vous emmène !

— Mais nous avons été volés… Un costume marin et un Cercle Rouge ! protesta Chertek.

— Tout ça, c’est trop compliqué, dit l’agent, narquois. Vous avez assailli des jeunes filles dans la rue, c’est tout ce que j’ai à savoir. Je vous emmène !

Pendant cette conversation, la jeune fille et son institutrice, peu soucieuses d’être mêlées plus longtemps à une histoire de ce genre, s’étaient éclipsées. L’agent, inexorable, entraîna, malgré leurs protestations, les deux hommes jusqu’à la Station de police.

Là, ils essayèrent en vain de s’expliquer. Leur attitude parut des plus louches au chef de poste, qui se refusa absolument à les remettre en liberté jusqu’à ce qu’une personne honorablement connue répondît d’eux.