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Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/125

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— On m’a volé, monsieur, ! Voilà ce qui est arrivé. On m’a volé ici, à l’hôtel Surfton ! un écrin de diamants !… Il y en avait pour 50 000 dollars. Des parures de noce que je venais présenter !… pour un choix !… Et ce n’est pas à moi, monsieur, je suis représentant d’une société ! Je suis perdu ! Je suis ruiné ! On croira que, moi-même, je suis le voleur ! Je suis perdu. En tout cas, je ne trouverai plus jamais de situation ! Et j’ai femme et enfant, monsieur ! Je les fais vivre de mon travail ! Qu’allons-nous devenir, mon Dieu ?

L’infortuné Strong s’effondra sur un siège, et sanglota. Florence le regardait avec une indicible pitié.

— Où était l’écrin ? Quand vous vous êtes aperçu du vol ? demanda Lamar.

— L’écrin était dans ma chambre, caché dans ma malle fermée à clé. J’ai retrouvé la malle ouverte et l’écrin avait disparu :

— Vous reveniez du bal quand vous avez fait cette découverte ?

— Oui… c’est-à-dire… Je suis un misérable, monsieur, cria Strong, fou de désespoir et de repentir. Je ne sais jamais résister aux occasions de m’amuser ! J’avais bu une coupe de champagne de trop… et… j’ai rencontré une jeune femme… Nous avons causé… Elle était charmante… Je lui ai demandé de faire un tour dans les jardins avec moi… Oh ! sans aucune mauvaise intention, je vous le jure !… Je suis un homme marié, père de famille ; mais ici… je me trouve seul, et flirter un quart d’heure avec une jolie femme n’a rien de répréhensible… Bref, j’ai été l’attendre dans les jardins… Elle n’est pas venue… De guerre lasse, je suis rentré, pensant que son frère l’avait retenue…

— Son frère ? Qui ça ? demanda Lamar.

— Un jeune homme charmant, M…

Strong fut interrompu par une détonation qui provenait du jardin de l’hôtel. Tous sursautèrent.

Lamar se précipita au dehors, suivi par le courtier en diamants et par le directeur de l’hôtel, qui fut bientôt rejoint par tout son personnel.

— Les voleurs sont là ! cria Lamar ; sans doute ils se sont disputé la possession de l’écrin. Faisons une battue dans les jardins. Nous trouverons leurs traces.

— Il faut courir vers les potagers, dit Redmon ; le mur est, là, éboulé en partie. Peut-être le savent-ils et tenteront-ils de le franchir.

Ils s’éloignèrent tous en courant. Florence, elle aussi, était sortie de la maison.

Elle les regarda s’enfoncer dans l’ombre des massifs. Elle était stupéfaite encore de ce qui s’était passé pendant cette soirée. Elle avait vaguement compris l’apparition de la main marquée de rouge. L’idée qu’une voleuse de profession s’était servie, afin de détourner les soupçons, du stigmate fatal qui pesait sur sa vie, lui inspirait une horreur pleine de honte. Il lui semblait que, pour la première fois, par cette sorte de complicité involontaire et avilissante, toute l’étendue de son infortune lui était révélée. Elle regarda en face sa destinée et se dit que la mort, peut-être, lui serait meilleure