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secrétaire de Lamar, qui ne comprenait rien à ce verrouillage inattendu.

Florence, de peur qu’il ne pénétrât par la porte du fond, alla donner également un tour de clef à cette dernière.

Précisément, le secrétaire y arrivait, ayant fait le tour par le couloir. Il chercha à introduire une clef dans la serrure, mais il rencontra une résistance causée par l’autre clef qui s’y trouvait à l’intérieur.

Florence et Gordon s’étaient plaqués contre le mur.

— Ne bougez pas, murmura Florence.

Tout à coup, le carreau de verre dépoli vola, en éclats sous le choc d’un coup de coude violent, et une main apparut, cherchant à atteindre la clef.

Prompte comme l’éclair, Florence sauta vers les menottes posées sur le bureau. Puis, saisissant la main qui, du dehors, tournait déjà la clef intérieure, elle entoura cette main du fin et souple bracelet d’acier, la fixant vigoureusement contre le bec de canne.

Et, faisant jouer la fermeture des menottes, elle emprisonna solidement le bras du malheureux secrétaire, qui se trouva, ainsi réduit à l’impuissance, le corps tout entier dans le couloir et le bras immobilisé dans l’intérieur du cabinet.

Gordon avait assisté avec stupéfaction à la manœuvre de Florence.

— Venez, lui dit à voix basse Florence.

Elle ouvrit l’autre porte et descendit rapidement dans la rue, suivie de l’avocat.

Florence arrêta une auto qui passait, donna un ordre au chauffeur et monta vivement avec Gordon dans la voiture, qui démarra en vitesse.



XXVIII

Les deux cercles blancs


Max Lamar avait quitté sa demeure pour échapper à l’obsession qui le gagnait peu à peu et qui se traduisait, comme on l’a vu, par des hallucinations douloureuses.

Il hésitait. Irait-il trouver Randolph Allen, pour lui demander conseil ? Il y était peu enclin. Dans l’état d’esprit où il se trouvait, il préférait ne faire part à personne de ses doutes, de ses hésitations, craignant de ne pouvoir suffisamment dissimuler sa souffrance.

Cependant, si Max Lamar ne chercha point à joindre Randolph Allen, il ne chercha pas non plus à l’éviter.

Je vais passer une heure au club, se dit-il. Si je l’y rencontre, nous causerons. Sinon, j’aurai là une excellente occasion de lire les journaux, que je n’ai pas ouverts depuis deux jours.

Le salon de lecture était désert.

Max s’installa dans un fauteuil et, résolu à distraire sa pensée de ses préoccupations obsédantes, se plongea dans le Boston Evening, qui publiait ce jour-là un article sensationnel de Gelett Burgess.

Il lisait depuis un quart d’heure lorsqu’il vit entrer dans le salon un personnage très connu, mais qui ne lui inspirait qu’une estime toute relative.

— Bonjour, docteur Lamar, dit l’arrivant.

— Bonjour, monsieur Silas Farwell.

— Je suis très heureux de vous rencontrer ici. J’avais l’intention de passer vous voir aujourd’hui même.

— Seriez-vous malade ?

— Pas du tout.

— Tant mieux ! fit le docteur, qui ajouta avec quelque ironie : Vous savez que je ne m’occupe que des maladies cérébrales et dans ce cas toujours à votre service.

— Vous avez le sarcasme agréable, dit Farwell. Mais non, ce n’est pas le docteur que je veux consulter. C’est… c’est… comment employer un mot qui ne vous froisserait pas.

— Allons, mon cher monsieur Farwell,