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Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/210

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Le chef de police se tourna vers Silas Farwell :

— Vous ne m’apportez pas la preuve de la culpabilité de Gordon. Je n’ai pas le droit de le retenir.

— Mais, pourtant, déclara Silas, qui réparait à grand mal le désordre de sa toilette que, Gordon avait fort bouleversée par son attaque soudaine, j’affirme que cet homme est coupable. La preuve… je l’avais… Hier, on l’a volée dans mon bureau.

— Quand vous la retrouverez, dit Randolph Allen, nous le ferons arrêter de nouveau. Vous voyez qu’il ne cherche pas à s’enfuir, puisqu’il est venu de lui-même. Pour le moment, je vous le répète, je ne puis que lui rendre la liberté.

Et se tournant vers Gordon :

— Vous êtes libre, monsieur. Ne vous étonnez pas toutefois d’apercevoir parfois derrière vous une ombre qui ne sera pas la vôtre. J’ai le droit de m’assurer de certains détails de votre existence.

— À votre aise, monsieur Allen, dit Gordon en souriant.

Il prit son chapeau et se retira, non sans avoir lancé à Silas Farwell un regard plein de menaces. Après le départ de Gordon, Randolph Allen pria Farwell de l’excuser s’il était obligé de régler certains détails de son service.

Il sonna deux fois. Un secrétaire parut.

— Qu’a-t-on fait du sieur Sam Smiling, arrêté à Blanc-Castel ? demanda le chef de police.

— On l’a conduit à l’hôpital, répondit le secrétaire. Il était dans un état pitoyable. Je ne crois même pas qu’il en réchappe. Le médecin-chef nous a téléphoné que sa blessure est grave et qu’il interdit qu’on l’approche.

— C’est fâcheux. Son interrogatoire eût été utile. C’est un bandit qui doit en savoir long sur bien des affaires.

La sonnerie du téléphone retentit.

— Allo ? L’hôpital 27 ? Oui… moi-même… Il va mieux ? Il parle ? Il demande à me voir ? Hein ?… Vous dites ?…

Randolph Allen, le récepteur collé à l’oreille, semblait écouter avec une extrême attention, et, chose inouïe, une ombre d’émotion passa sur son visage.

— Allo… C’est entendu. Je pars. Dites-lui que dans dix minutes je serai au chevet de son lit pour entendre ses révélations.

Le chef de police se leva et, s’adressant à Silas Farwell :

— Vous m’excuserez. Je n’ai pas un instant à perdre. Sam Smiling, qui est grièvement blessé, a déclaré à l’infirmier qu’il connaissait le secret du Cercle Rouge et qu’il était prêt à me le révéler. Il demande à me voir sans retard.

— Puis-je vous accompagner ? dit Silas Farwell. Je suis directement intéressé à cette affaire du Cercle Rouge.

— Comment cela ?

— Mais oui… La preuve dont je vous parlais tout à l’heure était contenue dans un document qui m’a été volé par la dame au Cercle Rouge, selon la signature qu’elle m’a laissée elle-même. Si Sam Smiling parle, nous saurons bien découvrir ma voleuse, dont je soupçonne déjà fortement l’identité.

— Eh bien, accompagnez-moi.

Les deux hommes sortirent, montèrent en auto et, cinq minutes après, pénétrèrent dans l’hôpital 29.

Ils furent reçus par un interne et la surveillante de service.

— Eh bien ? Notre homme, comment va-t-il ? Un peu mieux ?

— Pas fort, répondit l’interne ; pas encore très fort. Enfin, il demande avec insistance à vous voir et, pour le moment, il est en pleine connaissance.

Randolph Allen et Farwell suivirent l’interne et l’infirmière, et tous les quatre entrèrent dans la petite chambre où se trouvait Sam Smiling.

Ce dernier, la tête entourée de linges, était étendu dans un lit de fer et restait