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Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/170

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Au bout d’un an, ils résolurent de se voir, et Philippe voulut que ce fut à Semur même, dans la ville où elle vivait, à l’endroit qu’elle lui indiquerait comme celui de ses promenades et de ses rêves.

C’est une ville des plus curieuses, perchée sur un bloc de granit autour duquel se noue la boucle d’une rivière. Vue d’en bas, avec sa couronne de murailles posée sur la falaise abrupte, avec les débris de ses tours, avec les clochers de sa cathédrale, elle enthousiasma Philippe, comme un exemplaire parfait de ces vieilles cités de France où la vie fut forte et concentrée.

Des rampes le conduisirent sur le plateau, un dédale de rues étroites le menèrent vers le jardin public, lieu du rendez-vous. Il s’étend jusqu’à la crête des remparts et de grands ormes l’ombragent. Philippe sentit son cœur battre violemment. Quelle sorte de femme allait lui apparaître, et quel visage devrait-il donner désormais à la forme vague dont il revêtait ses sentiments ? Il ne douta point que ce fût cette silhouette qu’il apercevait contre le rebord de pierre qui garde l’abîme, silhouette gracieuse, habillée de couleurs blanches qu’égayait encore le clair soleil. Il marcha vers elle, et vint s’appuyer à ses côtés. Elle affecta de ne point l’entendre et ne se retourna pas, inquiète comme lui du premier regard. Mais il vit que sa main tremblait. Il murmura :

— C’est vous, Armande, n’est-ce pas ?

— Oh ! Philippe ! Philippe ! soupira-t-elle.