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Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/185

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en sa hâte d’accomplir son œuvre. La baie semblait une arène tumultueuse livrée aux eaux conquérantes, spectacle mystérieux, spectacle de résurrection où, dans des plaines de mort, la vie gronde, rugit et s’insurge. Et le soleil se coucha.

Madeleine, défaillante, tendit ses lèvres. Jacques les baisa. Et il baisa en même temps toutes celles d’autrefois. C’était un baiser unique, fait de baisers divers donnés sur des bouches différentes en forme, en parfum, en saveur, en pureté. Et le goût de la mer était aussi en ce baiser, et la fraicheur de l’espace, et le sang du soleil.

— Regardez, dit Jacques en désignant la côte d’Avranches.

Dans la brume violette qui baignait les collines, la lune se levait.

Madeleine pleura. Sur sa main, Jacques sentit les larmes tomber. Oh ! la douceur de ces petites gouttes de notre cœur, comme il la reconnut ! Les autres aussi avaient pleuré. Il but leurs larmes. De quels yeux venaient-elles ? Il ne savait pas. Les siennes s’y mêlèrent.

Le soir, après le repas, ils descendirent. La mer avait monté au-devant d’eux, sous l’ogive des portes. Ils prirent une barque. Elle les mena le long des falaises abruptes