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Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/66

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docteur auprès d’une malade qui agonisait, à quelques lieues de distance. Quant à la bonne qui les servait, elle attendait au bourg voisin la livraison de la robe nuptiale.

Un silence profond dormait autour de la vieille demeure qu’une ceinture d’eau environnait de mystère et de mélancolie. En entrant dans sa chambre, Gertrude vit le grand lit neuf où elle recevrait, le lendemain, la caresse de l’époux. Elle frissonna d’amour, Son cœur fondait en larmes de tendresse et de joie. Sa chair de belle fille ardente s’émut à l’espoir de la volupté…

Soudain, elle tressaillit. Un bruit, dehors, chuchotait.

— C’est lui… c’est mon Georges, pensa-t-elle.

Le soir, souvent, il détachait la barque du bord opposé, et il s’en venait, au pied des murailles, lui dire son amour. Elle laissait alors tomber ses mains dans l’ombre pour qu’il les baisât, et toute sa vie descendait en ces mains, et il lui semblait qu’elle les trempait dans des baisers.

Elle ouvrit la fenêtre. Parmi les roseaux et le reflet des étoiles, la barque glissait. Quand elle fut proche, Gertrude murmura :

— C’est vous, mon Georges ?

Elle lui tendit des mains déjà troublées.