Aller au contenu

Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle sait bien que cette porte va enfin céder aux poussées continuelles.

Mais qu’est-ce donc ? Rose ou verte, la lumière s’est éteinte. Seule une fumée plus âcre saisit les enfants à la gorge, et ils se demandent s’ils sont le jouet d’une illusion. Car, à leur droite, ils aperçoivent un étroit souterrain faiblement, très faiblement éclairé, qui s’ouvre sur la voie principale de la caverne. Ils ne l’avaient pas remarqué tout à l’heure, dans l’éblouissement des feux.

— Cette fois, c’est le jour, le vrai jour du bon Dieu qu’on aperçoit là-bas, s’écrie Pierre, délirant d’espoir, et dont la voix est presque couverte par le bruit des géants.

— Oui, regarde, c’est un couloir. On voit le sable, et des pierres sont éboulées… Mais, au fond, il y a comme une fente lumineuse. Pierre, est-ce qu’on se sauve par là ? Est-ce le salut ?

— C’est bien étroit. Peut-être qu’on sera enterrés vifs ?

— Mourir pour mourir, j’aime mieux ça que les géants ou les nains qui nous mangeraient.

Pierre, qui a déjà fait ses preuves en affrontant les « oubliettes » de Vimpelles, ne craint pas cette nouvelle aventure. Il embrasse Violette sur le front, comme dans un geste fervent de suprême espoir ou de suprême adieu, et murmure une prière.

— Courage, dit-il. Baissons-nous. Entrons. Je passe le premier.

Les deux petits, tout frissonnants, rampent dans le tunnel. Le couloir est, en effet, si étroit que, à chaque moment, ils se demandent si cette prison de pierre sera leur tombeau…

Mais au bout, il y a le jour ! Le bienheureux jour ! Ils se glissent sur le sable, s’accrochent aux pierres… Allons ! courage… le sauvetage peut-être ? Mais oui… Oui !… ça y est !

Enfin Pierre et Violette sortirent en s’accrochant aux mousses des gouffres de l’Enfer ! Dehors, ils oublièrent leurs meurtrissures. Ils se réjouirent baignés de lumière.

L’issue du couloir souterrain donnait sur un coin ignoré de la forêt… Mais qu’importe de ne savoir où l’on est ! La lumière divine caressait les arbres, les oiseaux chantaient, les fleurs embaumaient, les écureuils riaient dans les arbres. C’était l’évasion totale et bienheureuse au sein de la nature en joie ! que le Seigneur soit loué et béni !

Ils s’aventurèrent timides, éblouis, se tâtant eux-mêmes pour bien savoir s’ils étaient vivants… Fraternellement ils s’embrassèrent encore, puis rompus, brisés par la réaction trop forte des nerfs tendus, ils se laissèrent tomber sur l’herbe, et… ils pleurèrent..

Violette se repris la première.

— Pierrot, l’heure s’avance. Il faut rentrer.

— Oui. Mais où sommes-nous ?

— Je ne sais pas. Mais on le verra en montant sur la colline qui est là.

— C’est ça. Montons.

Ils montent. Ils montent. Leurs jeunes corps ont repris toute leur agilité et toutes leurs forces.

Ils montent, ils montent… Ils gravissent le plateau qui surplombe la caverne.

À quelque distance une pierre immense levée vers le ciel comme le doigt menaçant d’un géant se dresse sur le sol.

— Ah ! Je la reconnais, s’exclame Violette. C’est la Pierre aux Fées.

— La Pierre aux Fées ! Tu vois bien que le pays est plein de fées.