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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/128

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LECONTE DE LISLE

lui. C’est toujours ce style surchargé de termes techniques, abondant mais diffus, brillant mais superficiel ; le style de la Peau de chagrin et du Lys dans la vallée.


Mais — ceci prouve en même temps le libéralisme de sa forme et de sa pensée — de tous les romanciers contemporains et sans doute de tous les poètes, celui à qui va sa plus haute admiration, c’est George Sand ; la créatrice d’Indiana, de Geneviève, ces « anges candides », ces « fleurs charmantes et frêles », de Lélia « sublime esprit, éclair de son génie », de la mystique Hellène, « lyre que le vent fait vibrer comme un parfum vivant, » George Sand qui la première lui apprit à entendre dans la nature terrestre le grand concert divin que les siècles mystiques rêvaient dans d’autres sphères :


Ô poète éclatant ! âme que le génie
Fit d’un rayon d’amour, d’orgueil et d’harmonie,
Lyre où tremble un reflet de l’immortalité,
Qui chante dans l’extase et dans la majesté.
Ah ! prêtresse de l’art, ta parole flamboie
Ta parole est un ciel où mon âme se noie !
… Car lorsque de tes chants magnifiques et doux
Le retentissement se prolonge sur nous,
Il faut, tout débordant d’une extatique fièvre
Se suspendre, pour vivre, au souffle de ta lèvre !
De l’abîme terrestre il faut surgir soudain,
Tendre l’intelligence à ton nom souverain[1].

  1. Ce qui ne l’empêchera pas d’écrire à propos de sa pièce dramatique : Cosima. « Lorsqu’un écrivain s’est élevé au rang qu’occupe l’auteur de Lélia, lorsque, pendant huit années, chacune de ses productions lui a conquis une renommée brillante et méritée, on ne descend pas impunément de ce haut degré : une erreur est une chute.
    N’avons-nous pas vu un long poème de M. de Lamartine déterminer la décadence imminente de son génie ? »