Le monde, enseveli dans sa morne tristesse,
Comptait les jours sacrés que chanta sa jeunesse I
Le monde pour son Dieu prenait l’iniquité.
Prophète ! il attendait, couvert de sa nuit sombre,
Que ton geste sauveur lui désignât dans l’ombre
L’étoile de la liberté !
pour ses conceptions d’avenir humanitaire :
Un radieux soleil de jeunesse et de fête
Sur notre vieille humanité.
D’ailleurs cette ode est de 1840 et dès 1834 Lamennais avait rompu avec l’Église. Lamennais est un prophète, au même titre que l’auteur de Lélia la révoltée, ainsi invoquée :
Et dire que sans toi périrait tout un monde
Le monde de l’esprit, orbe des divins airs ?
Spiritualisme, certes, mais le spiritualisme de G. Sand[1].
De même, on a cru trouver dans un poème de « la Variété », Lélia dans la solitude, des preuves éclatantes « de convictions religieuses très ardentes », un « véritable acte de foi religieuse », parce
- ↑ Comme nous ne reviendrons pas sur les idées philosophiques
de Leconte de Lisle, nous dirons ici que le spiritualisme de Leconte
de Lisle, celui qui flamboie dans ses poèmes de Bretagne et tel qu’il
éclaire encore les Poèmes tragiques, antiques, et barbares, n’a
jamais consisté à croire en un Esprit cause et principe du Monde,
mais à reconnaître que, devant le néant total, l’esprit de l’homme
était affecté de la sublime maladie de l’Espoir (conception
d’imagination chrétienne), gardait une inlassable force de Désir (conception
hellénique), une inépuisable illusion (conception hindoue). La beauté
tragique du destin de l’homme tient précisément à ce que, malgré
la conscience qu’il ait du Néant, il ne cesse d’espérer, de désirer, de
croire, qu’il demeure constamment
- Haletant du désir de ses mille chimères.
Ainsi conçu, ce spiritualisme se concilie étroitement avec une vision matérialiste du monde.