Aller au contenu

Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

renoncé à « toute carrière bourgeoise », qu’il est décidé à n’être qu’un homme de lettres.

Puis ce fut 1842, une année vague et amère où il vécut sans relations avec sa famille de Bourbon, avec ses parents de Dinan, où il erre dans la Bretagne, une année de révolte contre les bourgeois de Rennes, professeurs et magistrats. Avec un ami de Faculté, fils d’un riche notaire, Duclos, il fonda un journal satirique le Scorpion. Si violent fut le premier numéro que l’imprimeur se déroba. Les deux associés durent le citer devant le tribunal, le 28 décembre 1842. Mais l’avocat de l’imprimeur n’eut qu’à prononcer : « L’esprit du journal mérite la réprobation des gens de bien. Les prospectus déjà imprimés et les articles proposés à l’impression ne laissent aucun doute sur le caractère du Scorpion où les personnages les plus recommandables par leur position et les plus honorables par leur caractère sont l’objet des attaques les plus vives… », et les « deux pamphlétaires » perdirent le procès.

Vers le milieu de 1843, reçu sans doute licencié en droit, il s’embarquait à Nantes à destination de Bourbon.

Dans ces bateaux dont les voiles blanches gonflées de vent portent sur l’azur un éclat antique et grec, il redescendit l’Atlantique. Aux matins, l’avant déchire une mer uniforme et bleue dont l’écume pétille d’une poussière d’argent. Les midis font étinceler l’océan mamelonné comme le sable lourd du désert. Aux soirs, le soleil s’enfonce derrière des cîmes de nuages pesant à l’horizon comme des