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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/154

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LECONTE DE LISLE

et tonifie son cœur, qui remplit sa solitude et le sauve de sa désespérance. Elle est aussi la première préoccupation de ses analyses psychologiques. Les fragments de lettres qui suivent sont importants à montrer à quel point le sentiment était fondamental chez Leconte de Lisle, il dirigeait profondément toute son activité cérébrale et en faisait la force substantielle, en l’empêchant de s’anémier et de se dessécher.

…… Ce qu’il y a d’excellent dans l’organisation interne de notre être, c’est que nous ne saurions désespérer entièrement. À part quelques tristes exceptions il y a toujours un fond d’espoir en nous qui ne fait jamais défaut ; ce qui est une preuve certaine que nous sommes destinés à autre chose qu’à la vie[1] stupide que nous menons. Quoique je me sois depuis longtemps accoutumé à vivre beaucoup plus avec moi-même qu’avec tout autre, pourtant il est doux d’aimer quelqu’un et de mêler tant soit peu sa vie à la sienne. Je suis horriblement seul à Saint-Denys. J’ai bien deux ou trois connaissances moins ineptes de cœur et d’esprit que le commun des naturels de ce trou-ci ; mais, réellement, je ne les aime pas. C’est ici le lieu, mon cher A…, de te soumettre quelques lignes qui te feront peut-être, au premier abord, l’effet d’une subtilité métaphysique, mais tu

    jurie de sectaire le montrent attentionné, dévoué et minutieux dans la prévenance. Il était loujours prêt à rendre service.

  1. Il s’agit ici non de vie terrestre, mais sociale. Le sentiment n’est pas ici spiritualiste, mais humanitaire Ce fragment de lettre peut servir à éclairer ces vers de la Ravine Saint-Gilles :

    Rien n’y luit du ciel, hormis un trait de feu,
    Mais ce peu de lumière à ce néant fidèle,
    C’est le reflet perdu des espaces meilleurs !
    C’est ton rapide éclair, Espérance éternelle,
    Qui l’éveille en sa tombe et le convie ailleurs.