jaillir vers le ciel. Cependant, vues de haut, les
tempêtes les plus démontées s’enchaînent dans
l’ensemble des choses, participent à l’harmonie
panoramique des paysages, rentrent dans le
concert universel du mouvement barbare et souple :
elles emplissent de véhémence et de solennité l’âme
inconsciente qui se fortifie ainsi pour la vie la plus
agitée.
La nature vierge de l’île où naquit Leconte de
Lisle n’a pas seulement inspiré le poète, mais
déterminé l’homme. Les années qu’il y passa
furent surtout celles, malléables, de l’enfance et de
l’adolescence où le sens pittoresque est à peine
éveillé, où la nature elle-même, tout en agissant
profondément sur les sens, ne parle guère encore
au jeune être qu’un langage social, invite à goûter
la liberté du plein air. Nous savons et l’on verra
que Charles-Marie Leconte de Lisle et ses amis,
familiers du rivage de la baie vaste de Saint-Paul,
y songeaient moins à admirer la splendeur de
« l’Éden » où débarquèrent leurs pères, qu’à y rêver,
au large des horizons, de terres idéales, de pays de
l’esprit dont ils seraient les Colombs, s’avançant
dans leurs entretiens jusqu’aux questions les plus
reculées, séduits par l’infini de la pensée humaine ;
et avant tout la mer leur était, suivant le temps,
un spectacle de mansuétude ou de violence.
Si on ne sait rien de sa première enfance, des