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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/194

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particulièrement de Louis Ménard, génie fraternel. Que l’on conçoive cette admiration ! De tels essais prouvaient supérieurement aux artistes soucieux de traduire en leurs œuvres l’âme généreuse de la Révolution qu’un genre de poème social s’annonçait et déjà s’affirmait valide, interprétant en harmonie l’ardeur des aspirations contemporaines, et ne perdant rien, à la symbolisation des passions modernes et des soucis politiques, de la vertu imaginifique et de l’eurythmie dont se doit nombrer et illustrer toute poésie. À cette époque Hugo n’avait encore rien créé qui fût social avec nouveauté et violence, Lamartine seul avait versé dans une œuvre inégalement artistique ses mystiques rêves de paix et de libéralisme. Leconte de Lisle, en une forme déjà presque parfaite, généralement digne de celle de Vigny, avec une maîtrise et une ampleur de souffle philosophique et social que Hugo ne devait attester que bien plus tard, des Châtiments à la Légende des Siècles, était venu et donnait à la foi complexe d’un socialisme neuf, à une religion de science et d’amour à peine récente, une expression artistique presque définitive. Sans nul doute la poésie demeure-t-elle encore enveloppée d’un peu de la gangue maternelle, comme une statue incomplètement épurée hors du bloc ; elle reste fière et mâle en beauté, d’une attitude et d’un galbe cornéliens modernes.

Quand de tels poèmes seront réédités, auprès de la génération actuelle d’hommes et de poètes presque en tous points fraternelle de celle de 1848, hommes et poètes peinant encore à la réalisation