Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/213

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disant phalanstérianisme du poète. C’est alors que, parmi les amis de Leconte, il se forma une coalition pour l’arracher à une doctrine matérialiste qui ne se déployait en entier que dans le journal la Phalange, M. Th. Bernard, Rogier et les deux Ménard n’eurent qu’à apporter la théorie des 4 mouvements du Phalanstère et la faire lire à Leconte de Lisle qui répudia aussitôt les doctrines du Phalanstère et jeta au feu ses poésies sociales, dont la dernière fut l’Hymne à Fourier. » Le vrai est que M. Ménard, membre de la « coalition », ne se rappelait absolument rien de semblable, on peut ajouter qu’il collabora à la même revue fouriériste. D’autre part, cette importante démarche aurait eu lieu après l’apparition de la Vénus de Milo : or, Leconte de Lisle publie longtemps encore dans la suite des vers en la même Phalange, bien plus intitule une pièce Églogue harmonienne[1], ce qui sent plus encore son fouriérisme. Cette « conversion » semble donc vraiment d’une brusquerie assez féerique ; elle achève de figurer un Leconte de Lisle par trop malléable, emballable à merci pour des choses qu’il ignore, quitte à en revenir, une fois dessillé grâce à l’intervention d’autres plus froidement sensés, bref un Leconte de Lisle qui

    Tu contiens leur beauté dans ta beauté royale
    Et tu n’as point connu le trouble et la douleur.

  1. Même lorsque, par désir de précision, il cessa d’user en ses vers des termes exclusivement fouriéristes qui n’avaient plus de chance d’être compris de personne, il continua à employer avec prédilection ceux que les fouriérisles avaient élus entre les mots du vocabulaire ordinaire, tels que harmonie. De même l’adjectif divin qualifie sans cesse chez lui la mer, la terre, l’horizon, la volupté, la beauté, etc., sans avoir la banalité de son sens courant.