Aller au contenu

Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’indispensable main-d’œuvre, complètement et brutalement ruinés, et qu’en même temps les esclaves prisés par la liberté nouvelle n’éprouvent la misère du vagabondage, il rend le travail obligatoire par une mesure analogue à celle que, dans des conditions analogues, appliquait récemment le général Galliéni à Madagascar. Gagnée par la douceur de son apostolat, la population noire obéit en un empressement spontané aux ordres du « père ». Par une modération comme on n’en connut d’autre exemple qu’au début de la Révolution en France, elle va jusqu’à comprendre que l’indemnité promise aux colons ne leur étant pas encore payée, elle doit continuer de travailler à un prix très modeste[1] et elle attend souvent avec patience la rémunération. Au moment où Sarda Garriga est rappelé, au mois de mai 1850, la colonie est tranquille, règne le travail, et les propriétaires, plus que de la résignation, offrent l’apparence d’une sûreté confiante. Aussi bien, il est donc faux de dire avec un biographe de Leconte de Lisle que, « préparés par l’excès de servitude aux entraînements de la paresse et de la dégradation, les noirs refusèrent le travail libre, que la disparition subite de la main-d’œuvre rendit précaires les anciennes exploitations[2] ».

L’administration, ensemble supérieurement démocratique et sagement opportuniste de Sarda Garriga préserva l’île Bourbon des troubles qui, longuement, agitèrent les colonies d’Occident. Sans

  1. Le salaire est de 5 à 10 fr. par mois.
  2. Calmettes.