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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/237

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Le coup d’œil est, sinon froid, net et incisif ; Leconte de Lisle a vu de suite que la Révolution va être « escamotée » et parfaitement déterminé les causes de la réaction : la nation fut de tout temps trop aveuglément abandonnée à son ignorance, à ses préjugés, à son naturel penchant d’analogies et de généralisations élémentaires et inébranlables ; et particulièrement la population bretonne opposa une inertie toute désespérante : ce que, observateur tout désintéressé, Renan, natif de ce même département des Côtes-du-Nord, écrit en 1849 de la population locale :


Vous n’imagineriez jamais l’état de ce pays, et je ne saurais vous le peindre, car les catégories y sont radicalement différentes de celles que nous avons habituellement sous les yeux. Est-on légitimiste ? Non. La portion de la population qui est attachée à la branche aînée ne forme pas un quart, un cinquième. Est-on orléaniste ? pas davantage. On regrette Louis-Philippe, voilà tout. Est-on bonapartiste ? On n’y pense pas. Et avec tout cela les candidats légitimistes ont passé avec 50.000 voix de majorité. L’évêque fait la liste avec ses curés de canton, on la prêche au prône, les bourgeois l’acceptent, et elle passe sans opposition. Hélas ! cela ne s’explique que trop bien, et je n’ai jamais mieux compris que la nullité intellectuelle et administrative des provinces est le plus grand obstacle au progrès des idées modernes… Quant au socialisme, le croiriez-vous ? Il n’existe ni amour ni haine, car il est absolument inconnu : le nom même ne révèle aucune idée, et quant au peuple, je ne sais même si on trouve chez lui l’aspiration vague à un état meilleur. Il est vrai que ce pays est peut-être celui de France où il y a le moins de misère : mais la position