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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/240

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listes, l’apothéose de la banqueroute sociale. C’était la deuxième fois que ses attitudes saillaient de l’ombre commune d’une action immense et confuse, le publiaient fanatique exalté par l’action jusqu’au rêve du martyre.

La postérité qui aime singulièrement à rapprocher, pour des comparaisons, les idées et les vies, et qui, par une fausse classification universitaire, les a déjà confondues dans un même vague groupement de « théoriciens de l’art pour l’art », cherchera en cela matière à quelque parallèle entre Leconte de Lisle et Baudelaire. Baudelaire n’a été républicain que par crises, son dandysme se plut au décor humanitaire des blouses d’ouvriers[1] ; ce fut un brusque feu de paille — en 1846 il était nettement anti-républicain ; dès 1852 il n’y a plus de place pour la politique dans sa vie intellectuelle, et il analysait ses émotions de 1848 à la façon de quelques jours d’ivrognerie. « Mon ivresse de 1848 : de quelle nature était cette ivresse ? Goût de la vengeance, plaisir naturel de la démolition. Ivresse littéraire, souvenirs de lectures. Les horreurs de juin : folie du peuple et folie de la bourgeoisie, amour naturel du crime ! » Leconte de Lisle, républicain depuis son enfance, ne fut jamais susceptible d’écrire : « 1848 ne fut amusant que parce que chacun y faisait des utopies comme château en Espagne », ni d’affirmer : « Être un homme utile m’a paru toujours quelque chose de bien hideux. »

De vrai, il n’y eut jamais plus frappant contraste

  1. Voir son portrait au frontispice des Fleurs du mal.