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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/25

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L’ENFANCE DANS L’ÎLE

écrit : « Sublime ! » ; toutefois il applaudit plus particulièrement à une strophe sur la liberté : « C’est vrai », clame-t-il en marge ! Le jeune homme pense par lui-même, s’enferme en des rêveries personnelles. Les idées dans lesquelles il grandit, il les puise ailleurs qu’en les enseignements paternels, ou du moins il va délibérément au delà des principes inculqués. Dès l’enfance, c’est la vie au grand air, indépendante, ainsi qu’à l’ordinaire en la colonie. Au milieu des esclaves, le fils du planteur est, dans le parcours de la vaste habitation, comme un jeune souverain que ne bride même point l’étiquette : il ne peut rencontrer partout que respect et servitude ; on le laisse aller seul, en toute sûreté ; il erre par les plateaux étages et les pentes accidentées des ravins. Pendant des séjours en la ville, il y retrouve à la fois la verdure débordante et la liberté de la campagne ; les villas s’y enveloppent, suivant l’heure, du silence ou de la joie des grands jardins. Les camarades s’y rejoignent après les études.

La discipline scolaire n’est point rude et le littoral est proche. Indocile au joug des vieilles méthodes, insensible aux honneurs pédagogiques, l’enfant mis en pension à Saint-Denis oublie souvent, parfois plusieurs jours de suite, le chemin de l’école[1] : il passe ses journées à la bibliothèque de

  1. Littérature française du colonel Staaf, tome VI. Notice biographique très informée faite par un ami de Leconte de Lisle. — Le fait est souvent conté à la Réunion.