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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/261

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bête, de se laisser encore domestiquer. Un peu en artiste aussi, il lui en voulait de rester immobile après 1848, parce que, malgré toute l’inharmonie de sa brutalité, il dressait au moins en 1848 la beauté des poussées gigantesques, des efforts totaux. Par-dessus tout, ce qui l’horrifiait, c’était la laideur « moderne » et le mercantilisme contemporain : ainsi faut-il s’expliquer l’apreté de certaines œuvres. Aux Modernes sur toutes.

Sa haine « du siècle », très visiblement, se confond avec son horreur du bourgeoisisme. Voyez précisément son Dies Iræ, qui date de 1852 : il s’écrie :


Oui ! le mal éternel est dans sa plénitude !
L’air du siècle est mauvais aux esprits ulcérés.
Salut, oubli du monde et de la multitude !


c’est parce qu’il déplore :


Les Muses, à pas lents, mendiantes divines.
S’en vont par les cités en proie au rire amer ;


et loin de se lamenter encore comme Vigny sur la médiocrité du rôle du poète dans la vie contemporaine, il estime que cela même n’a plus de dignité :


Ah ! c’est assez saigner sous le bandeau d’épines,
Et pousser un sanglot sans fin comme la mer.


Si souvent il maudit la race humaine, pour reprendre ces expressions dont l’amertume est celle ordinaire des boutades épiques, qui sont même d’autant plus amères qu’elles sont plus évidemment des boutades, c’est pour plusieurs raisons dont l’une est, par exemple, le Vandalisme exercé contre la nature (la Forêt Vierge), vandalisme qui au-