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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/275

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considérons, nous, comme le vrai et qui peut tout au plus être seulement la vérité humaine, qui même risque fort d’être seulement celle d’un moment de l’humanité.

Leconte de Lisle ne veut pas que le poète soit l’éducateur des passions du moment, un maestro d’actualité, mais un « éducateur des âmes », s’occupant de « principes éternels ». « Le clairon de l’archange ne s’embouche pas comme une trompette le carrefour » ; mais d’autre part (Étude sur Barbier) ceci très important : « On ne peut assez louer l’indignation qui fait des vers irréprochables. » Et dans la même étude : « Entre toutes les passions qui sont autant de foyers intérieurs d’où jaillit la satire, la passion politique est une des plus âpres et des plus fécondes. Haine de la tyrannie, amour de la liberté, goût de la lutte, ambition de la victoire ou du martyr, tout s’y donne rendez-vous et s’y rencontre. Les forces de l’âme s’y retrempent et l’ardeur du combat s’y ravive. Je ne pense pas que ceci soit contestable. » Mais il faut que l’âme soit déjà assez forte, le talent assez puissant pour qu’il ne se noie point et ne se dissolve dans le violent courant populaire. Il faut que la poésie se livre préalablement à un travail d’éducation classique et de purification technique pour redevenir plus tard « le verbe inspiré et immédiat de l’âme humaine », ce qu’elle ne peut pas être maintenant, à une époque de « tumulte d’idées incohérentes ». C’est à son caractère d’ « actualité » que (en 1855) Leconte de Lisle attribuera l’infériorité de la Divine Comédie, « cauchemar sublime » qui « porte partout l’em-