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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/277

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de la dignité humaine, véritable base de la morale antique, entre en lutte contre le principe hiératique et féodal. Il tente, après trois cents ans d’efforts, de réaliser l’idéal platonicien, et l’esclavage va disparaître enfin de la terre. « La Justice et la Beauté sont sœurs jumelles qui ne peuvent subsister l’une sans l’autre. Et ce siècle bourgeois a chassé l’une avec l’autre. Il faut que la Beauté revive parmi nous pour que la justice y revienne. Le rôle social du poète est de faire revivre la beauté. Tout poète qui y manque est indigne. Toute poésie qui n’est point imprégnée de beauté est néfaste au peuple, « n’est pas populaire ».

Cette idée est si manifeste, dans l’article sur Béranger, qu’il en est même le manifeste. Article très clair, lumineux, Leconte de Lisle y définit nettement le sens qu’il faut donner au mot « populaire » et qui est à peu près celui de : socialiste. Il appelle encore « vrais poètes populaires et nationaux, dignes de sympathie et d’admiration » ceux qui « écoulent et savent comprendre les voix mystérieuses qui montent du passé ou qui murmurent autour d’eux, » ceux qui expriment « les traditions qui survivent, les tristesses vagues, les rêveries confuses, les dures misères et les joies rapides de la foule ». (Béranger ne peut être populaire, puisqu’il est le poète d’un temps « de bon sens bourgeois », « où les imaginations s’éteignent, où les suprêmes pressentiments du Beau se dissipent, où la fièvre de l’Utile, les convoitises d’argent, l’indifférence et le mépris de l’Idéal s’installent victorieusement dans les intelligences même lettrées et, à