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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/294

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séenne, animée d’un harmonieux rythme de marche. Les vierges innombrables que créa Leconte de Lisle, féministe de la femme dans la nature, participent toutes de la même fierté individualiste et de la même impérieuse liberté. Surélevées de l’élégance décorative du peintre helléniste et républicain Prudhon, elles se distinguent par une personnalité d’affranchies pour laquelle plaidèrent les romans contemporains et les théories anarchistes du féminisme et de l’amour libre. Elles seront ces mères dignes dont Cabet anime pieusement les jardins d’Icarie.

Sans doute, on le sent déjà, la Grèce, telle que Leconte de Lisle la propose à l’admiration de l’homme moderne, est-elle reconstruite sur la fidèle interprétation de ses potées et de ses philosophes. Mais, très profondément, en sa création il a synthétisé tout ce que l’étude des primitives sociétés, hindoue ou biblique, lui avait fait concevoir de meilleur, de plus pur, de plus fécond[1]. Ne voulant projeter dans le futur, faire supporter à l’avenir sa construction d’une société idéale — ce qui enlève à l’œuvre tout caractère d’affirmation sculpturale et en trahit le lyrisme utopique — il la plaça en une des Péninsules du monde où l’homme connut déjà la plus grande somme de bonheur : la Grèce.

Or, la vertu essentielle de l’Hellas que créa[2] Leconte de Lisle c’est la chasteté.

  1. Ses assidues lectures des Grecs ou des autres, il s’y mettait avec passion : et c’est cela qui marque l’individualité, l’élaboration des lectures.
  2. Flaubert, qui n’avait pas le sentiment social, la reproche vivement à Leconte de Lisle. (Corresp., t. II, pp. 268, 295.)