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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/32

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LECONTE DE LISLE

Bonheur de tout instant, charmes impérieux
N’enivraient point mon cœur désireux d’autres cieux[1].


La tendresse créole se réveille vivement en lui. Le voyage remue l’âme et l’ouvre, nerveuse et frissonnante, à la poésie. C’est l’absence, par les subtiles et intenses tristesses de la nostalgie, qui fait revoir avec une netteté ardente ce que nous songions à peine à regarder quand il était sous nos yeux et, soumettant notre esprit au travail passionné du souvenir et de l’évocation, crée l’imagination, la poésie. La première poésie naquit dans l’exil, fut le rythme même de la nostalgie du pays natal bercé dans la brume qui le voile. L’éloignement de ce pays détermine l’âme, précise et fortifie en elle tout ce qu’il y a de national et qui alors se saisit et s’exalte dans les regrets. Dans la province française où il va habiter, il se laissera de plus en plus imprégner de « souvenance » et de sentimentalité insulaire qu’il exprimera dans des vers amoureux.

La pièce que nous avons citée, Le Départ, n’est pas la première. Il avait composé précédemment des romances auxquelles il faut recourir pour mieux comprendre ce qu’il sera en Bretagne. Il convenait de faire ressortir en premier lieu le fond martial et républicain de son caractère ; causant avec ses amis, il rêvait d’action, ou seul assis devant les mornes « il désirait de gloire et de génie », un orgueil fécond s’élevait dans son âme : c’est le

  1. Vers composés à Rennes en janvier 1889, extraits des poèmes publiés par B. Guinaudeau.