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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/350

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… Paris est morne et semble désert[1]. Plus de soldats. La garde nationale tient tous les postes. On lui a distribué 80.000 fusils à tabatière, mais pas de cartouches, ce qui l’irrite fort, car elle s’imagine qu’on n’en a pas ou qu’on se défie d’elle. Tout le commerce parisien assiège littéralement la Banque pour échanger ses billets. En somme, les inquiétudes sont grandes, car on ne sait rien des questions de guerre. Bazaine est probablement coupé entre Metz et Verdun. Mac-Mahon a levé le camp de Châlons et s’est dirigé vers l’Est à marches forcées. On présume qu’il va essayer de dégager son collègue, laissant ainsi toute la route libre au Prince Royal, qui est à huit Jours de Paris. Si les deux maréchaux parviennent à écraser les deux corps ennemis qu’ils ont à combattre, ils doivent revenir en toute hâte prendre le Prince Royal entre le feu de la place et le leur. Voilà du moins le plan qu’on leur prête. Le tout dépend d’une victoire entre Metz et Verdun, car une défaite livrerait inévitablement Paris à l’horreur d’un bombardement. Rien, d’ailleurs, ne peut durer longtemps désormais. Il faut que les Prussiens soient expulsés avant quinze jours, ou Paris se soulèvera. On parle ouvertement dans les rues, au milieu des sergents de ville, de la nécessité où se trouve le pays de reprendre en main la direction absolue de ses destinées. Il n’est pas plus question de l’Empereur et de son fils que s’ils n’avaient jamais existé. Ils feront bien de ne rentrer à Paris qu’après une victoire décisive, et bien escortés…

… Quant à la garde nationale, elle a des fusils déplorables, et je crois d’ailleurs qu’on lui interdira l’accès des fortifications. Notre seule et sérieuse défense consiste dans la protection des forts, qui croisent leurs feux à 5.000 mètres. Cependant, si l’ennemi sacrifie beau-

  1. Extrait d’une lettre du 24 août.