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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/366

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et piqué de mécénisme, celui-ci ne voulut point laisser à la misère un homme de génie : il répliqua en souriant : « C’est M. Leconte de Lisle qui a raison et je veux lui assurer une pension sur la cassette, sans aucune condition. » Et Leconte de Lisle reçut une lettre de M. Mocquard dans laquelle il était dit qu’il lui serait donné une indemnité littéraire de 3 600 fr. de la part de l’Empereur « soucieux de favoriser les auteurs de talent qui faisaient honneur au pays ». Leconte de Lisle se montra toujours et encore pareillement hostile ; il n’avait rien postulé ; il n’avait pris aucune part à la petite conspiration de ses intimes. Mais ceux qui avaient mené la chose à son insu alors se révélèrent à lui, plaidèrent la raison[1], eurent l’intelligence de la lui imposer.

L’homme en souffrit : première humiliation infligée à une âme intransigeante, connue et aimée pour son indépendance. Comme toujours la douleur fut muettement contenue. Très franc, il voulut toutefois confesser à ses amis la pension reçue malgré la foi restée la même. Ceci encore, il ne le put, empêché par les contingences (Louis Ménard). Souvent, non prévenus, ceux qui se réunissaient chez lui dirent du mal de Napoléon III. Leconte de Lisle, toujours, sur ce sujet, garda le silence. En

  1. Il est indiscutable qu’on avait parfaitement raison. Le poète, pour être appointé par le gouvernement, n’en doit pas moins garder la plus entière liberté de parole aux mêmes titres que les professeurs d’université. Combien de poètes, pécuniairement récompensés aujourd’hui par les assemblées qu’entretient le Gouvernement, médisent de ce même Gouvernement, sans que, très justement, personne trouve rien à y redire. Leconte de Lisle pouvait avoir de nobles scrupules, autour de lui on ne devait pas en tenir compte.