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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/42

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LECONTE DE LISLE

point avant tout une légende de l’ancienne Allemagne que Leconte de Lisle recueillit déjà romancée et fixa comme celle Scandinave d’Angantyr ? Quant à Christine, encore sentimentale et décorative comme une romance, elle semble avoir une autre valeur et se rattacher au cycle de Nurmahal, le Colibri, la Source, toutes poésies faites d’une anecdote, d’un tableau pittoresque, suivies en sorte de « moralité » d’un final lyrique où, concentrant de l’émotion, s’interpose la voix personnelle du poète. Enfin, n’est-ce point pour chanter l’Écosse, comme il avait fait la Norvège, l’Espagne, l’Allemagne, qu’il donna ces imitations[1] de Burns que sont les Chansons Écossaises ? Là où se hérissaient des légendes tragiques et sombres, il les redisait ; là où en chantaient et fleurissaient de colorées et de bruissantes, il les cueillait et les rechantait, toujours également soucieux de rendre fidèlement l’âme diverse des races et des régions, adaptant avec la même intelligence les petites pièces lyriques d’Anacréon, de Théocrite, d’Horace et de Burns. Et pourquoi donc Leconte de Lisle, si sévère et si perspicace à l’endroit de ses productions, conserva-t-il dans ses œuvres définitives ces « fantaisies » si courtes, tandis qu’il ne rééditait pas d’amples poèmes sérieux au moins supérieurs aux Odes et Ballades, tels la Recherche de Dieu et la Passion ?

… Il y a chez Leconte de Lisle, disait Louis Ménard[2],

  1. L’expression est de Leconte de Lisle lui-même.
  2. Louis Ménard, article sur Leconte de Lisle, dans la Critique philosophique du 30 avril 1887.